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Du reste, les coureurs m’entourent : je suis seul Européen dans cette rue, et ils se disputent l’honneur :

— Nikko ! répètent-ils, très intéressés, Nikko ! au moins dix lieues ! — Je veux aller jusqu’à Nikko, et y coucher cette nuit ? — Oh ! alors il va falloir des jambes choisies, et des hommes de relève, — et partir tout de suite, et payer cher. — Les plus vaillants me montrent leurs cuisses nues, très jaunes, en se donnant des claques pour me montrer que c’est dur. Enfin, après les contestations d’usage, le choix est fait et le marché conclu.

Déjeuner rapide et quelconque, dans la première maison-de-thé venue, mes hommes m’attendant à la porte.

Éternellement la même chose, ces maisons-de-thé japonaises : les petites baguettes, le riz, la sauce au poisson ; les innombrables tasses et soucoupes en fine porcelaine où sont peintes des cigognes bleues ; les servantes, toutes jeunes et bien peignées, s’inclinant en perpétuelle révérence, leurs robes entre-bâillées sur ces gentilles poitrines où, d’un bout de l’année à l’autre, fourragent les voyageurs, l’été pour toucher des choses fraîches, l’hiver pour se chauffer les doigts.

Il n’est guère que deux heures et demie quand je m’installe sur mon char, d’une petitesse et d’une légèreté extrêmes. Dans un premier élan,