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daim, cigarette turque ; air très militaire, vraiment pas ridicule.

Elle, restée absolument Japonaise d’attitude et de costume. Élégance simple et distinguée de femme comme il faut. Figure pâle et fine poudrée à blanc, long cou d’albâtre. Mains toutes petites, sourcils rasés, dents laquées de noir. Plus jeune, mais des cheveux de jais, où ne se mêle encore aucun fil d’argent ; chignon compliqué, lissé avec tant de soin et tant d’huile de camélia, qu’on dirait une sculpture en laque ; grandes épingles d’écaille blonde, piquées là dedans avec un goût très sûr. Trois ou quatre tuniques superposées, de coupe japonaise ancienne, en soie mince de diverses couleurs sombres : violet, bleu marine, gris de fer, marron ; la tunique de dessus, brodée, au milieu du dos, d’un petit rond blanc dans lequel se dessinent trois feuilles d’arbre — et qui est le blason de famille de la dame. De temps en temps, elle fume sa pipe de poupée et se baisse pour la tapoter par terre contre le rebord d’un crachoir : Pan ! pan ! pan ! pan ! très vite.

Couple irréprochable, assez froid, causant peu.


À mi-route, on prie tous les voyageurs de descendre : une large rivière est là, sur laquelle on n’a pas encore eu le temps de faire un pont ; alors on va nous passer en bateau.

Plusieurs grands bacs sont tenus prêts pour la