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froid des espaces vides. Nous ne pensions plus à lui, et, au premier moment, nous avons presque peur de voir une chose extra-terrestre, une chose appartenant à quelque autre planète qui se serait brusquement rapprochée.

Comme, avec la nuit de novembre, tout prend des airs désolés ; comme nous nous sentons plus dépaysés et perdus que ce matin, entre ces collines qui se resserrent, dans ces espèces de vallons étroits où nous passons toujours enfermés et sans vue, incapables de reconnaître la direction de notre course. Du noir se répand partout, envahit les bois, et un froid humide semble monter de la terre avec la senteur des feuilles tombées. — Il gagne toujours, ce noir, et maintenant les petites boules d’or des kakis paraissent attirer et concentrer en elles tout ce qui reste de lumière mourante. Dans les bouquets d’arbres, dans les vergers, seules ces boules d’or continuent de se détacher, encore éclatantes sur le fond assombri et confus des verdures.

À tous les carrefours des chemins, les bouddhas de granit, alignés toujours par cinq ou six, avec leurs colliers de perles et leurs bavettes d’enfant en drap rouge, prennent de plus en plus des mines malfaisantes de gnomes. Il y a des fonds de vallée, des recoins fermés, qui étaient riants ce matin et qui sont sinistres ce soir, tout noyés d’ombre,