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pagne, ces champs ensemencés où fut une ville. Des paysans pauvres, presque nus, sont penchés sur le sol et labourent ; des enfants déguenillés viennent à nous la main tendue en mendiant, avec de petites prières plaintives. La journée s’avance et l’air se refroidit ; l’air sent tout à coup l’automne et les feuilles mortes. Des mauvaises herbes, que l’on brûle çà et là par petits tas, font des fumées blanches qui montent dans le ciel déjà moins lumineux, où flotte un brouillard léger annonçant l’hiver. Et nous nous sentons pris par cette impression languissante de novembre, qui est un peu partout la même, dans tous les pays de notre hémisphère boréal…

De nouveau nous entrons sous bois, et nous sommes à présent dans la petite vallée mystérieuse habitée parce solitaire de bronze que nous venons voir. Il n’est plus qu’à quelques pas de nous, le Grand-Bouddha ; au-dessus des cimes des arbres, nous apercevons tout à coup ses épaules rondes, sa tête énorme et souriante, son regard vague penché vers la terre.

Jadis il demeurait sous une voûte probablement magnifique et toute laquée d’or ; il était une grande idole encensée, au fond d’un temple rempli de vases précieux et de fleurs, — et le temple était au milieu d’une immense ville idolâtre où des légions de prêtres entretenaient un bruit continuel de prières et de musiques religieuses.