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Une longue vallée y conduit, régulière comme une gigantesque rue ; on la dirait ouverte là tout exprès pour le plaisir contemplatif de ces âmes divinisées qui, du haut de leurs terrasses tranquilles, peuvent regarder au loin par l’interminable trouée droite ; elle est plantée en son milieu d’une avenue de cèdres énormes alignés à perte de vue ; deux rangées de collines symétriques la bordent, collines japonaises, ayant toujours des formes qui ne semblent pas naturelles, ayant des sommets comme des petites coupoles, comme des petits dômes.

Nous sommes les seuls passants aujourd’hui, dans cette avenue où le bruit de nos roues et de nos coureurs s’éteint sur la mousse, — et, au bout du couloir vert, sur la montagne qui le ferme, le temple nous apparaît, parmi les vieux arbres du bois, avec ses murailles d’un rouge sombre, et toutes les pointes et toutes les cornes superposées de ses toits noirs.

Ce n’est point pour le temple que j’ai fait le voyage, — car j’en ai déjà tant vu, et de si merveilleux, dans ce Japon qui en est rempli !

Non, je suis venu pour cette robe d’impératrice que l’on conserve là-haut ; j’ai un désir de la regarder et de la toucher. Certains personnages d’histoire ou de légende s’installent quelquefois dans notre imagination à des places d’honneur, sans que nous sachions pourquoi, — et j’ai pour