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suis encore à Jérusalem un pèlerin nouveau venu, — et ce nom entendu tout à coup m’émeut jusqu’aux fibres profondes, et je regarde, dans un sentiment complexe et inexprimable, mélangé de douceur et d’angoisse, l’apparition encore lointaine.



En un point où l’esplanade domine à pic des ravins qu’on ne soupçonnait pas, il y a d’étroites fenêtres de siège, percées dans le mur d’enceinte.

— Tenez ! me dit le Père blanc en m’indiquant de la main une de ces meurtrières. — Et mes yeux suivent son geste, pour regarder par là…

Oh ! sur quel sombre abîme elle donne !… Un abîme très spécial, que j’aperçois ce matin pour la première fois, mais que je reconnais cependant tout de suite : la vallée de Josaphat !

Par l’étroite meurtrière, je la contemple sous mes pieds, avec un frisson… Tout en bas, dans ses derniers replis, le lit du Cédron desséché. Sur le versant d’en face, ces choses, d’un aspect et d’une tristesse uniques au monde, qui s’appellent les tombeaux d’Absalon et de Josaphat. Puis, dans un silence aussi morne que celui d’ici, dans une solitude qui continue celle de la sainte esplanade, tout