Page:Loti - Jérusalem, 1895.djvu/85

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de la mosquée bleue se précise : on dirait, sur les murs, une joaillerie nuancée, ajourée, mi-partie de turquoise pâle et de lapis violent, avec un peu de jaune, un peu de blanc, un peu de vert, un peu de noir, sobrement employés en très fines arabesques.

Parmi quelques cyprès à bout de sève, quelques très vieux oliviers mourants, une série d’édicules secondaires, épars vers le centre de l’esplanade, font cortège à cette mosquée, qui est la grande merveille du milieu : de petits mirhabs de marbre, des arceaux légers, de petits arcs de triomphe, un kiosque à colonnes, revêtu, lui aussi, de joailleries bleues. Tout cela, si déjeté par les siècles, si mélancolique, avec un tel air d’abandon, sur cette place immense où le printemps a mis entre toutes les dalles des guirlandes de marguerites, de boutons-d’or et d’avoines folles !… De près, on s’aperçoit que ces élégantes et frêles petites constructions sarrasines sont composées avec des débris d’églises chrétiennes ou de temples antiques ; les colonnes, les frises de marbre, tout est disparate, arraché ici à une chapelle des croisades, là à une basilique des empereurs grecs, à un temple de Vénus ou bien à une synagogue. Si l’arrangement général est arabe, calme, empreint de la grâce des palais d’Aladin, le détail est plein d’enseignements sur la fragilité des religions et des