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de caducité, incompréhensibles à force de réparations et de changements faits à toutes les époques de l’ancienne histoire : dans les bases, des pierres cyclopéennes, vestiges encore debout des enceintes de Salomon ; par-dessus, des débris des citadelles d’Hérode, des débris du prétoire où siégea Ponce-Pilate et d’où le Christ partit pour le calvaire ; puis, les Sarrasins, et les Croisés après eux, ont bouleversé, saccagé ces choses, — et, en dernier lieu, les Sarrasins encore, redevenus les maîtres ici, ont grillé ou muré les fenêtres, élevé au hasard leurs minarets et posé au faîte des édifices les pointes de leurs créneaux aigus. Le temps niveleur a jeté sur le tout son uniforme couleur de vieille terre cuite rougeâtre, ses plantes de murailles, son même délabrement, sa même poussière. L’ensemble, emmêlé, fait de pièces et de morceaux, formidable encore dans sa vieillesse millénaire, raconte le néant humain, l’effondrement des civilisations et des races, répand une tristesse infinie sur le petit désert de cette esplanade où s’isole là-bas le beau palais bleu surmonté de sa coupole et de son croissant, la belle et l’incomparable mosquée d’Omar.

À mesure qu’on s’avance dans cette solitude, dallée de grandes pierres blanches et quand même envahie par les herbes comme un cimetière, le revêtement