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terrestres — le lieu d’un martyre et un sépulcre vide — qui les préoccupaient ; leur Rédempteur, ils ne songeaient pas à le chercher là, tant ils le voyaient dégagé à jamais de ces choses transitoires et planant au-dessus dans la sereine lumière. Mais nous sommes — nous tous, peuples de l’Occident et du Nord — échappés depuis moins de siècles aux barbaries naïves, que les sociétés antiques d’où se levèrent les premiers chrétiens ; au moyen âge, quand la foi nouvelle pénétra dans nos forêts, elle s’obscurcit de mille croyances primitives ; d’entre nous, c’est le plus petit nombre qui s’est affranchi des traditions amoncelées pour en revenir au culte évangélique, en esprit et en vérité. Et d’ailleurs, quand la foi est éteinte dans nos âmes modernes, c’est encore vers cette vénération si humaine des lieux et des souvenirs, que les incroyants comme moi sont ramenés par le déchirant regret du Sauveur perdu…

Oh ! le Christ, pour qui toutes ces foules sont venues et pleurent ; le Christ, pour qui cette vieille pauvresse, là, près de moi prosternée, lèche le pavé, épand sur les dalles son cœur misérable, en versant des larmes délicieuses d’espoir ; le Christ, qui me retient, moi aussi, à cette place, comme elle, dans un recueillement vague, encore très doux… Oh ! s’il fut seulement un de nos frères en souffrance, évanoui