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érigé à la place même du crucifiement ; sous le retable, un treillage d’argent laisse paraître, dans le rocher noir, le trou où fut plantée la croix, — et c’est là qu’on se traîne à genoux, mouillant ces sombres pierres de larmes et de baisers, tandis qu’un bruit berceur de chants et de prières monte incessamment des églises d’en bas.

Et, depuis tantôt deux mille ans, il en est ainsi dans ce même lieu ; sous des formes diverses, dans des basiliques différentes, avec des interruptions pour les sièges, les batailles et les massacres, mais avec des reprises ensuite plus passionnées et plus universelles, toujours résonne ici le même concert de prières, le même grand ensemble de supplications désespérées ou d’actions de grâces triomphantes…

Elles sont bien un peu idolâtres, ces adorations-là, pour celui qui a dit : « Dieu est Esprit, et il faut que ceux qui l’adorent, l’adorent en esprit et en vérité. » Mais elles sont si humaines ! Elles répondent si bien à nos instincts et à notre misère !… Assurément, les premiers chrétiens, dans l’essor purement spirituel de leur foi, et quand l’enseignement du maître était encore tout frais dans leurs âmes, ne s’encombraient pas de magnificence, de symboles et d’images. Surtout, ce n’étaient pas des souvenirs