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plus angoissante, le sentiment des effroyables passés.

Elle est silencieuse quand j’y arrive, et elle est vide, sous l’œil à demi mort de ces fantômes qui gardent l’escalier d’entrée ; on y entend à peine, en rumeur indistincte, les cloches et les chants d’en haut. Derrière l’autel, un autre escalier encore, bordé des mêmes personnages à longue chevelure, descend plus bas, dans de la nuit plus noire.

On croirait un temple barbare. Quatre piliers énormes, trapus, d’un byzantin primitif et lourdement puissant, soutiennent la coupole surbaissée d’où retombent des œufs d’autruche et mille pendeloques sauvages. Des fragments de peintures aux murailles indiquent encore des saints et des saintes, nimbés d’or, dans des attitudes raides et naïves, sous l’effacement des humidités et des poussières mortes. Tout est dans un délabrement d’abandon, avec des suintements d’eau et de salpêtre.

Du fond du souterrain inférieur remontent tout à coup des prêtres d’Abyssinie, qui ont l’air d’être les anciens rois-mages, sortant des entrailles de la terre : visages noirs, sous de larges tiares dorées, en forme de turban, longues robes de drap d’or, semées de fleurs imaginaires rouges et bleues… Vite, vite, avec cette sorte d’empressement exalté qui est ici