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les mélopées nasillardes des Grecques, coupées par les hurlements des Cophtes… Et, dans toutes ces voix, une exaltation de larmes et de prières qui fond leurs dissonances et qui les unit ; l’ensemble, finissant par devenir un je ne sais quoi d’inouï, qui monte de tout ce lieu comme la grande plainte des hommes et le suprême cri de leur détresse devant la mort…

La rotonde à très haute coupole, où l’on pénètre d’abord et qui laisse deviner, entre ses colonnes, le chaos obscur des autres sanctuaires, est occupée en son milieu par le grand kiosque de marbre, d’un luxe à demi barbare et surchargé de lampes d’argent, qui renferme la pierre du sépulcre. Tout autour de ce kiosque très saint, la foule s’agite ou stationne ; d’un côté, des centaines de moujiks et de matouchkas, à deux genoux sur les dalles ; de l’autre, les femmes de Jérusalem, debout en longs voiles blancs, — groupes de vierges antiques, dirait-on, dans cette pénombre de rêve ; ailleurs, des Abyssins, des Arabes en turban, prosternés le front à terre ; des Turcs, le sabre au poing ; des gens de toutes les communions et de tous les langages…

On ne séjourne pas dans l’étouffant réduit du Saint-Sépulcre, qui est comme le cœur même de cet amas de basiliques et de chapelles, on y défile