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exquise des portes sarrasines ; elle découpe son ogive dans la grande muraille morne ; elle est flanquée de deux sombres tours ; elle est toute couronnée et hérissée de pointes de pierre, aiguës comme des fers de lance ; haute et mystérieuse, elle a pris aujourd’hui, sous le vernis de l’eau ruisselante, une intense couleur de vieux bronze vert-de-grisé. En avant, des tentes bédouines se groupent, noirâtres, très basses à ses pieds. Et derrière, un coin de l’antique Jérusalem apparaît ; un angle de remparts crénelés, enfermant des maisons à coupoles, s’avance, sous le ciel de pluie, vers le désert de pierres qui est la campagne ; l’ensemble en est de la même teinte de bronze verdâtre que la porte elle-même ; l’ensemble en paraît millénaire, abandonné et mort ; mais c’est bien Jérusalem, la Jérusalem qu’on a vue sur les vénérables tableaux et images d’autrefois ; au sortir de l’horrible banlieue neuve, où fument des tuyaux d’usine, on croirait une vision sainte…



Les Dominicains blancs nous reçoivent dans leur petit parloir monacal. Ils ont cette sérénité détachée qui est particulière aux religieux ; on sent en eux,