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Jérusalem sombre et haute, enfermée derrière ses créneaux, sous un ciel noir.

Pendant une rafale plus violente, le chemin de fer passe, siffle, affole mon cheval, met en plus complète déroute mes pensées, qui déjà s’en allaient éparpillées au vent…

Nous arrivons dans un creux profond, au pied d’une route ascendante, entre l’amas banal et pitoyable des constructions qui couvrent la colline de gauche, — hôtels, gare, usines, — et les ténébreuses murailles crénelées qui couvrent la colline de droite. Des gens de toutes les nationalités encombrent ces abords ; Arabes, Turcs, Bédouins ; mais surtout des figures du Nord que nous n’attendions pas, longues barbes claires sous des casquettes fourrées, pèlerins russes, pauvres moujiks vêtus de haillons.

Et enfin, vers la ville aux grands murs, qui nous surplombe de ses tours, de ses créneaux, de sa masse étrangement triste, nous montons au milieu de cette foule, par ce chemin glorieux des sièges et des batailles, où tant de Croisés sans doute sont tombés pour la foi… Des instants de compréhension du lieu où nous sommes, — et alors, d’émotion profonde, — mais tout cela, furtif, troublé, emporté par le bruit, par le vent, par le voisinage des loco-