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les premiers siècles chrétiens. Elle se compose d’une quantité de petits compartiments, de petits couloirs, où sont des autels et où brûlent des lampes. La voûte irrégulière du rocher, humide et suintante, apparaît çà et là, entre les tentures de damas fané ; partout des dorures communes, des petits tableaux, des « chromos » vulgaires ; au moins attendions-nous un luxe archaïque, une splendeur, de l’or entassé, comme dans la crypte du Sinaï ; mais non, rien ; Bethléem a été pillée et repillée tant de fois, que tout y est pauvre, laid, à peine ancien. « Ici, l’enfant est né, explique le moine ; ici, il a été posé dans sa couche ; ici, les rois mages s’assirent ; ici, se tenaient l’âne et le bœuf… » Distraitement, l’esprit fermé et le cœur mort, nous l’entendons sans l’écouter, impatients de partir…

Au-dessus de la grotte, les trois églises, où l’on officie et psalmodie en même temps, suivant des rites divers et avec la haine du voisin, sont banales et quelconques. Dans l’église grecque, devant l’antique tabernacle tout d’or, une furtive impression religieuse, à demi païenne, nous arrête un moment : un très vieux pope est là qui chante, vite, vite, d’une haute voix nasillarde, dans un nuage d’encens, et la foule, à chaque verset, se prosterne et se relève : femmes de Bethléem portant toutes, sur le hennin