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vaux glissent sur de gros pavés luisants. De hauts murs frustes, qui paraissent vieux comme Hérode et où s’ouvrent de très rares petites fenêtres cintrées. — « Ah !… des Moghrabis ! » disent les Syriens assis sur les portes, en nous regardant venir. Entre les maisons, la vue, par échappées, plonge sur l’autre versant de cette montagne qui supporte la ville, et là, ce sont des jardins et des vergers s’étageant en terrasses sans fin.

La beauté et le costume des femmes sont tout le charme spécial de Bethléem. Blanches et roses, avec des traits réguliers et des yeux en velours noirs, elles portent une haute coiffure rigide, pailletée d’argent ou d’or, qui est un peu comme le hennin de notre moyen âge occidental et que recouvre un voile « à la Vierge », en mousseline blanche, aux grands plis religieux. Leur veste, d’une couleur éclatante et couverte de broderies en style ancien, a des manches qui s’arrêtent au-dessus du coude ; c’est pour laisser échapper les très longues manches pagodes, taillées en pointe à la façon de notre xve siècle, de la robe d’en dessous, qui tombe droit jusqu’aux talons et qui est généralement d’un vert sombre. Dans leurs vêtements des âges passés, elles marchent lentes, droites, nobles, — et, avec cela, très naïvement jolies, toutes, sous la blancheur de