Page:Loti - Jérusalem, 1895.djvu/235

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et sa décrépitude. À l’heure de son inévitable destruction, débris qu’il est déjà, il a pu se cramponner des mains à quelque chose de radieux et d’éternel ; aïeul qui s’en va, il sent qu’il les retrouvera là-haut, ses fils peut-être ou ses petits-fils, — quelque petite tête frisée d’enfant… Oh ! la foi, la foi bénie et délicieuse !… Ceux qui disent : « L’illusion est douce, il est vrai ; mais c’est une illusion, alors il faut la détruire dans le cœur des hommes », sont aussi insensés que s’ils supprimaient les remèdes qui calment et endorment la douleur, sous prétexte que leur effet doit s’arrêter à l’instant de la mort…

Et, peu à peu, voici que je me sens pénétré, moi aussi, par l’impression doucement trompeuse d’une prière entendue et exaucée… Je les croyais finis, pourtant, ces mirages !…

Au Gethsémani, la nuit dernière, il y avait sans doute trop d’orgueil encore dans ma recherche de solitude, et, ici, je suis mieux à ma place de misère, confondu avec ces humbles qui appellent de toute leur âme ; ils sont mes égaux d’ailleurs, et je n’ai rien de plus qu’eux ; demain, ce sera poussière de mes joies terrestres, et quelques années, courtes comme un jour, me feront pareil au vieillard qui est là… Oh ! prier comme lui, quand la fin sera proche ; prier comme eux tous !… Me jeter,