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énoncer semblera bien impie à plusieurs) — le Christ, en tant que fait homme, et homme de son époque, n’avait peut-être encore, sur son rôle de messie, que la vision symbolique en harmonie avec l’esprit de l’Orient ancien et avec les livres sacrés antérieurs à sa venue. Et les Évangiles, en nous transmettant ce qu’il disait de lui-même, ont pu nous l’obscurcir encore. Il n’était pas chargé de soulever pour nous le voile des causes et des fins inconnaissables, mais peut-être d’apporter seulement au petit groupe humain une lueur, une indication certaine de durée et de revoir en attendant les révélations plus complètes d’après la mort. Qu’importe, mon Dieu, un peu plus d’incompréhensible ou un peu moins, puisque, par nous-mêmes, nous ne déchiffrerons seulement jamais le pourquoi de notre existence. Sous l’entassement des nébuleuses images, rayonne quand même la parole d’amour et la parole de vie !

Or cette parole, que Lui seul, sur notre petite terre perdue, a osé prononcer, — et avec une certitude infiniment mystérieuse, — si on nous la reprend, il n’y a plus rien ; sans cette croix et cette promesse éclairant le monde, tout n’est plus qu’agitation vaine dans de la nuit, remuement de larves en marche vers la mort… Ils ne me contrediront pas, ceux qui ont une fois dans leur vie connu le véritable amour,