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figure d’homme contemplant la terre. Une pénombre persiste, malgré les cierges et les lampes, dans cette chapelle cependant très petite. Il est tard, et il n’y a plus en ce moment que quelques femmes, assises, en pleurs, dans les coins obscurs.

Mais des gens, avant de quitter le Saint-Sépulcre, continuent de monter ici un à un, pour se prosterner et prier. Je m’appuie à un pilier voisin de l’autel et je les regarde venir.

D’abord paraît un jeune soldat cosaque, l’air martial et superbe, qui se traîne à genoux sous le retable pour baiser la place où fut plantée, dans le roc du Calvaire, la croix de Jésus.

Des femmes de je ne sais quel pays, en longs voiles noirs, lui succèdent, qui, les bras levés, les mains ouvertes, prient avec larmes, en une langue et suivant des rites inconnus.

Une pauvre vieille arrive ensuite, humble, discrète, qui d’abord se met à genoux un peu loin, comme n’osant pas ; de son ballot de pèlerine, elle tire son Évangile, ses lunettes, un petit cierge qu’elle allume, et elle s’avance enfin, après une révérence ancienne, pour commencer ses génuflexions et ses prières.

Il y a des intervalles de solitude et de silence, pendant lesquels s’entend à peine, derrière moi, un bruit léger de sanglots.