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drapées à la turque dans des voiles blancs, et les femmes de Bethléem en hennin garni de pièces d’argent ou d’or, courant toutes où les cloches les appellent.

Maintenant, sous mes fenêtres, la rue entière vibre d’un même cri strident, comme poussé à la fois par des milliers de martinets en délire. Je reconnais ce cri d’allégresse commun à toutes les Mauresques et à toutes les Arabes, ce « you, you, you ! » sauvage dont elles accompagnent les danses et les fêtes. Mais c’est pour le Christ encore, cette fois. C’est un pèlerinage de femmes arrivées du fond de l’Abyssinie, qui font ce matin leur entrée dans la ville sainte et qui la saluent à pleine voix suivant la coutume antique. Vêtues comme les Bédouines du désert, de robes noires et de voiles noirs, elles s’avancent comme une funéraire théorie, comme une traînée de deuil sur les pavés ensoleillés. De minute en minute, elles reprennent leur grand cri aigu, et des prêtres de leur rite, noirs comme elles de robe et de visage, qui les attendaient sur le parcours, répondent chaque fois, avec un geste pour bénir : « Que votre retour soit heureux ! » Graves, concentrées dans leur rêve, elles marchent sans broncher sous les regards rieurs et imbéciles de quelques modernes touristes accoudés aux fenêtres. Je les suis des yeux longtemps, les