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de nuages, ces murailles se tiennent à la même hauteur que le lieu où je suis, suspendues, dirait-on, et chimériques. — D’ici, pendant la nuit d’agonie, le Christ dut les regarder ; sur le ciel, elles traçaient leur pareille grande ligne droite ; moins crénelées sans doute, en ces temps, parce qu’elles n’étaient pas sarrasines, et dépassées par le faîte de ce temple merveilleux et dominateur que nous n’imaginons plus. Cette nuit, au-dessus de leurs créneaux, n’apparaît ni une habitation humaine ni une lumière ; mais seul le dôme de la mosquée d’Omar, sur lequel la lune jette des luisants bleuâtres et que le croissant de Mahomet surmonte. Près de moi, dans mes alentours immédiats, c’est l’absolue solitude ; c’est la montagne pierreuse, qui participe à l’immense rayonnement blanc du ciel, qui est comme pénétrée de lumière de lune et où les rares oliviers projettent leurs ombres en grêles petits dessins noirs.

La clameur des chiens de Jérusalem, qui la nuit est incessante comme dans toutes les villes turques, s’entendait à peine d’en bas, du fond de la vallée ; mais ici elle m’arrive, lointaine, sonore et légère ; des échos sans doute la déplacent, car elle semble partir d’en haut, tomber du ciel. Et de temps à autre s’y mêle le cri plus rapproché, l’appel en sourdine d’un oiseau nocturne.