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doit s’imaginer des vampires, des sorciers évocateurs de spectres. Et c’était si imprévu, d’ailleurs, au milieu de ce silence, que j’en ai tremblé comme lui.



Allons, l’heure passe. Il est déjà plus tard, sans doute, qu’il n’était quand le Christ fit là-haut sa prière d’agonie, puisque, vers minuit, il fut saisi par la troupe armée. Remontons lentement vers le Gethsémani…

Toujours rien, cependant, au fond de mon âme attentive et anxieuse ; rien que la vague influence de la lune et des tombes, l’instinctif effroi de tout ce pays blanc…

Des fanaux arrivent là-bas, une vingtaine au moins ; des gens viennent de la direction d’Ophel et se hâtent, courant presque… Nous n’avions prévu personne cependant, à de telles heures. « Ah ! dit le janissaire avec dégoût, des juifs !… Ils viennent enterrer un mort ! » En effet, je reconnais ces silhouettes spéciales, ces longues robes étriquées et ces bonnets de fourrure. (On sait que chez eux c’est l’usage, à n’importe quel moment du jour ou de la nuit, de faire disparaître tout de suite, comme chose immonde, les cadavres à peine froids.) Et ils se dépêchent, comme