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s’ouvrent, béantes, tant d’entrées de sépulcres. Tout ce lugubre ensemble s’avance et se dresse, sous la blanche lune, avec des contours nets et cassants ; on dirait des choses depuis longtemps finies, desséchées, qui ne tiennent qu’à force de tranquillité dans l’air, comme ces momies qu’un souffle suffit à émietter… Vallée de la mort, sol rempli d’os et de poussière d’hommes, temple silencieux du néant, où le son même des trompettes apocalyptiques ne pourrait plus que se glacer et mourir… Et tandis que nous subissons l’oppression des alentours, tandis qu’un effroi immobilisant sort d’entre les colonnes funéraires, monte des profonds trous noirs, voici que, de l’un des grands tombeaux, s’échappe aussi tout à coup le bruit d’une toux humaine, qui semble partie de très loin et de très bas, grossie et répercutée dans des sonorités de dessous terre… Le janissaire s’arrête, frémissant de peur, — et il est pourtant un brave, qui a eu le cou traversé de balles, aux côtés du grand Osman Pacha, le Ghazi, à la glorieuse défense de Plevna. « Oh ! dit-il, il y a des hommes couchés là dedans !… On me retrouverait fou, moi, le lendemain matin… Quels hommes faut-il qu’ils soient, mon Dieu, pour dormir là !… » Sans doute, tout simplement des Bédouins bergers, remisés dans ces vieux sépulcres vides avec leurs moutons ; mais il