Page:Loti - Jérusalem, 1895.djvu/213

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

du peuple infini des tombes, et en face, sur le versant opposé au nôtre, le Gethsémani monte ; dans tout ce blanc de la montagne, les oliviers se dessinent en taches noires, les cyprès en larmes noires ; les couvents s’étagent ; la grande église russe, avec ses coupoles de Kremlin qui se superposent, a pris, dans l’éloignement et sous la lune, un air de pagode indoue ; l’ensemble, enveloppé de rayons pâles, est charmant cette nuit comme une vision asiatique, mais n’évoque aucune pensée chrétienne. Et c’est un peu plus loin, là-bas, en dehors de tous ces enclos de prêtres et de moines, que j’ai souhaité d’aller…

Mais, au dernier moment, une crainte toujours plus grande m’éloigne de ce lieu, où je sens que je ne trouverai rien. Pour retarder encore l’instant des dernières déceptions désolées, je vais d’abord errer longuement dans tout ce silence, suivre au hasard le lit du Cédron, attendre que peut-être un peu plus d’apaisement recueilli descende enfin en moi-même…



Au cœur de la vallée, à présent, nous arrivons devant les trois grands monolithes d’Absalon, de saint Jacques et de Josaphat, au pied de ces assises de roches dans lesquels ils ont été taillés et où