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Il me parle en turc, le janissaire : « Jérusalem, tu vois, le soir, c’est un pays de pauvres, il n’y a rien. Pour nous, les musulmans, il y a ceci… (Et son geste indique l’Enceinte Sacrée, la mosquée d’Omar, dont nous approchons.) Pour loi, chrétien, il y a le Saint-Sépulcre. Mais c’est tout. Le reste ne vaut pas qu’on le compte. Tu le vois, le soir, il n’y a rien. »

Dans ce quartier interdit aux chrétiens qui avoisine la sainte mosquée, le janissaire parlemente avec les sentinelles de nuit, — et nous passons.

Descendant toujours, nous voici, dans le noir d’une voûte de pierres, arrivés à cette porte de la ville qui donne sur la vallée des morts ; les chrétiens l’appellent porte Saint-Étienne, et les Arabes, porte de Madame-Marie. Elle est fermée naturellement, et dure à ouvrir, lourde, bardée de fer. Deux des sentinelles du poste de nuit, que le janissaire réveille, la font tourner sur ses gonds énormes. Lentement elle s’ouvre, en grinçant dans tout ce silence, — et alors, de l’obscurité où nous sommes, c’est, dans un éblouissement, la soudaine apparition d’un immense et immobile pays spectral, tout de blancheurs, tout de pierres blanches sous des flots d’une vague lumière blanche : la vallée de Josaphat et le Gethsémani, figés sous la lune de minuit !…

Au-dessous de nous, la vallée se creuse, remplie