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de conscience envers moi-même, uniquement pour accomplir une chose depuis très longtemps rêvée.



Il est onze heures environ, quand je me mets en route, et la lune est haute. Aller là-bas tout à fait seul est impossible, même avec un revolver à la ceinture ; il faut, à côté de moi, un janissaire armé, non pas seulement pour les dangers nocturnes auxquels je ne crois guère, mais à cause des abords défendus du Haram-ech-Chérif par où je dois passer, à cause des portes de la ville qui sont fermées et qui ne peuvent s’ouvrir que sur un ordre du pacha, régulièrement transmis.

Descendant par la Voie Douloureuse, nous traversons d’abord tout Jérusalem, silencieux, obscur et désert. Les maisons sont closes. Dans l’ombre des rues voûtées, tremblent de loin en loin quelques lanternes fumeuses ; ailleurs, les rayons de la lune tombent, découpant des blancheurs sur les pavés, sur les ruines. Le long de notre chemin, personne, que deux ou trois soldats turcs attardés, rentrant aux casernes. Rien que le bruit de nos pas, exagéré sur les pierres sonores, et le cliquetis du long sabre à fourreau d’argent que le janissaire traîne.