Page:Loti - Jérusalem, 1895.djvu/209

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

La grande synagogue. — Dans la cour dont elle est entourée, jouent des enfants trop blancs et trop roses ; jolis quelquefois, mais l’œil trop fûté, l’attitude trop sournoise ; déjà l’air d’avoir conscience de l’opprobre héréditaire et de couver des rancunes contre les chrétiens. Leurs cheveux blonds sont tondus ras, excepté au-dessus des tempes où ont été respectées ces mèches qui deviendront plus tard les traditionnelles papillottes, mais qui pour le moment leur font des oreilles d’épagneul.

On éprouve presque un sentiment de pitié, quand, après toutes ces magnificences des églises, on regarde ce pauvre sanctuaire à l’abandon. Des bancs déserts ; des murs simplement plâtrés, dont le crépissage tombe. Quelques vieilles barbes, quelques vieilles papillottes grises sommeillent dans des coins, sous leurs bonnets à long poil ; d’autres, qui lisaient leur bible à demi-voix chantonnante, en se dandinant comme des ours, nous jettent un regard faux, qui semble glisser le long de leur nez mince. On entre ici le chapeau sur la tête, et le janissaire qui m’escorte y prend une expression de superbe insolence. Des moineaux, nullement gênés par le chevrotement des prières, vont et viennent, apportent des brins de laine et de paille pour leurs nids, qui se construisent au-dessus même du tabernacle, dans les