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a l’antique chaussée par où l’on franchit le lit du Cédron pour monter au Gethsémani… Mais à quoi bon continuer de ce côté ? à quoi bon retourner là-haut, à la vague poursuite du fantôme qui m’a fui ? Le Gethsémani est un lieu quelconque, froid et vide ; rien ne flotte au-dessus de ses pierres, rien n’y passe qu’un souffle de printemps propice aux asphodèles et aux anémones… Alors, je m’arrête encore, cette fois pour rebrousser chemin, — et tout à coup c’est en moi l’éveil d’un sentiment nouveau, qui est presque de la rancune contre ce Christ, que je cherchais et qui s’est dérobé : enfantillage de barbare, legs des vieux temps naïfs ; me voici comme ces simples qui promettent des dons terrestres à leurs Dieux, ou bien leur vouent des petites haines. Et, de découvrir ce sentiment-là, au fond du triste moi composite qu’ont produit les générations et les siècles, je souris moi-même d’une très ironique pitié.



Revenu sur mes pas, je remonte dans la partie musulmane de la vallée, par ces escarpements des collines de l’ouest que couronne la longue muraille de Jérusalem, dentelée de créneaux sur le ciel jaune. Et je marche là, au hasard, parmi les petites pyra-