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À la tombée du jour, je redescends vers le Cédron pour refaire encore une fois — le cœur bien fermé cependant — le trajet du Christ, de la ville au Gethsémani.

C’est l’heure où des mélancolies, presque des terreurs, sans forme et sans nom, vont s’épandre sur cette vallée du jugement dernier. À un tournant du chemin, elle se découvre, silencieuse et profonde. J’y arrive par le côté de l’Islam, qui est déjà dans une ombre presque crépusculaire, quand, en face, les myriades de tombes juives, les ruines de Siloë et d’Ophel, avec leurs cavernes et leurs sépulcres, resplendissent encore dans une rouge fantasmagorie ; chaque soir, depuis toujours, il en va de même — et c’est l’inverse des matins, où le rose des aurores commence par envahir le côté musulman, tandis que le côté d’Israël tarde à s’éclairer ; entre les deux zones de cimetières qui se regardent, c’est sans trêve le même jeu, les mêmes alternances de lumière renouvelées indéfiniment.

Ce soir, elle est vide, à son ordinaire, la vallée de Josaphat ; à peine, dans toute son étendue, aperce-