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déserts encore proches, qui se rappellent à nous ; — on voit, comme au travers d’une brume sèche qui estompe tout, les grisailles dorées de la ville aux innombrables petites coupoles, et les grisailles plus blanches des montagnes bibliques d’alentour. Les distances et les proportions des choses semblent doublées. Du vague s’épand sur la terre, tandis que le soleil, qui ne rayonne plus, dessine tout rond dans le ciel un disque d’astre mort.

Sous cette même demi-lueur jaune d’éclipse, revenant le soir du mont des Oliviers, je longe, par la route toujours solitaire, les remparts de Jérusalem, les grands remparts moroses ; sur leurs parois rudes et frustes, de loin en loin, le sceau, la signature arabe se lit sous la forme d’une petite rosace géométrique d’un dessin exquis, en relief encore délicat parmi les vieilles pierres usées ; c’est comme pour dire aux passants que ceux qui ont élevé ces farouches défenses sont les mêmes qui savent ajourer des dentelles merveilleuses aux murs des mosquées et des palais.

Dans mon chemin isolé, je ne croise qu’un groupe de vieux Turcs, en longues robes, barbes blanches et turbans verts, qui se racontent des choses sombres et anciennes, en égrenant des chapelets d’ambre. Et c’est comme un tableau des temps musulmans anté-