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XIX

Jeudi, 12 avril.

La diane des clairons turcs dans le voisinage me tire d’un inquiet sommeil matinal. Et un rêve que je faisais s’envole. Il avait commencé par un sentiment de suprême, mais imprécise détresse ; quelque chose qui n’était peut-être que la perception plus nette de la fuite irrémédiable de mes jours, des séparations affreuses et prochaines, de la fin de tout. Et puis, peu à peu, mon humaine angoisse s’était fondue en une prière ; le Christ était retrouvé, le Christ de l’Évangile, et je m’abîmais, de toute mon âme misérable, en Lui, comme ces pèlerins qui, sur les dalles du Saint-Sépulcre, s’affaissent de tout leur corps épuisé ; — et les terrestres fins ne m’atteignaient plus ; — et il n’y avait plus de néant, plus de poussière, ni plus de mort ; — j’étais arrivé au port