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bédouines, ils s’avancent sans peur, en trottinant avec des bâtons. Ils ont tous, en bandoulière, des gourdes ou des bouteilles vides, qu’ils rempliront pieusement au fleuve : grands-pères et grands’mères, qui vont rapporter, peut-être jusqu’à Arkhangel et aux rives de la mer Blanche, un peu des eaux saintes, de quoi baptiser leurs petits-enfants. En nous croisant, ils nous disent bonjour, ceux-là aussi ; ils n’ont pas le joli geste des Bédouins ni leur joli sourire ; mais leur salut, plus lourd, paraît plus franc et plus sûr.



Au-dessous des cimes grises, les creux des vallées sont redevenus tout verts ; il y a partout des troupeaux qui paissent et des petits bergers en burnous qui jouent de la musette. Au même point que l’avant-veille, nous retrouvons les mêmes grandes bêtes percheuses, découpées en silhouettes sur le ciel, au-dessus de nos têtes : des chamelles, qu’on a mises aux champs avec leurs petits. Et enfin, les fleurs recommencent, émaillant partout les rochers de points rouges et de points roses.