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méditer pendant quarante jours et qui est resté, depuis tantôt dix-neuf siècles, comme une sorte de Thébaïde aux cavernes toujours hantées par des moines solitaires, des ermites à longs cheveux. À l’Occident s’en va la chaîne lointaine des montagnes de la Judée, déjà dans l’ombre, tandis qu’au levant et au sud les cimes de la Sodomitide concentrent tous les derniers rayons du soir, éclatent dans une sinistre splendeur au-dessus de cette nappe assombrie qui est la mer Morte. — Tout cela cependant n’est encore rien, après les désolations et les éblouissements roses de la Grande Arabie, dont nous gardons le souvenir, l’image comme gravée au fond de nos yeux…



Au chaud crépuscule, quand nous sommes assis devant le porche de la petite auberge de Jéricho, nous voyons accourir, sur un cheval au galop affolé, un moine en robe noire, les longs cheveux au vent. C’est l’un des solitaires du mont de la Quarantaine, qui a tenu à arriver le premier pour nous offrir des petits objets en bois de Jéricho et des chapelets en coquillages du Jourdain. — À la nuit tombée, il en descend d’autres, qui ont la pareille robe noire,