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ment, aux heures lumineuses du soir. Très loin, un petit pâtre arabe nous mène voir des amoncellements de pierres qui forment comme un immense tumulus et où se distinguent encore, entre les herbes et les ronces, quelques blocs jadis sculptés. Laquelle des trois Jéricho est là, devant vous, pulvérisée ? Probablement celle d’Hérode ; mais on n’en sait rien au juste, et, d’ailleurs, peu nous importe la précision des détails dans l’ensemble de tout ce passé mort !

Le coucher splendide du soleil nous trouve presque égarés au milieu de cette espèce de bocage funéraire, qui est jeté à la façon d’un grand linceul sur le sol plein de poussière humaine. Et nous pressons le pas, nous déchirant un peu aux épines des baumiers-de-Galaad. Pendant notre promenade solitaire, nous n’avons rencontré qu’un troupeau de chèvres et deux ou trois Bédouins de mauvaise mine armés de bâtons. Mais, dans les branches, c’est une agitation joyeuse d’oiseaux de tout plumage qui s’assemblent pour la nuit, et on entend de divers côtés le rappel des tourterelles. Cette plaine en contre-bas des mers, dans laquelle nous marchons, est partout environnée de montagnes ; il y a d’abord, à un millier de mètres de distance, montrant au-dessus des bois son sommet rougeâtre, ce mont de la Quarantaine, où, d’après la tradition, le Christ se retira pour