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tains, cette mer s’est quelque peu reculée, sans cependant changer sensiblement de forme. Et, sous le suaire de ses eaux lourdes, inaccessibles aux plongeurs par leur densité même, dorment d’étranges ruines, des débris qui, sans doute, ne seront jamais explorés ; Sodome et Gomorrhe sont là, ensevelies dans ses profondeurs obscures…

De nos jours, la mer Morte, terminée au nord par les sables où nous cheminons, s’étend sur une longueur d’environ 80 kilomètres, entre deux rangées de montagnes parallèles : au levant, celles du Moab, éternellement suintantes de bitume, qui se maintiennent ce matin dans des violets sombres ; à l’ouest, celles de Judée, d’une autre nature, tout en calcaires blanchâtres, en ce moment éblouissantes de soleil. Des deux côtés, la désolation est aussi absolue ; le même silence plane sur les mêmes apparences de mort. Ce sont bien les aspects immobiles et un peu terrifiants du désert, — et on conçoit l’impression très vive produite sur les voyageurs qui ne connaissent pas la Grande Arabie ; mais, pour nous, il n’y a plus ici qu’une image trop diminuée des fantasmagories mornes de là-bas. — On ne perd pas de vue tout à fait, d’ailleurs, la citadelle de Jéricho ; du haut de nos chevaux, nous continuons de l’apercevoir derrière nous, comme un vague petit point