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de la bande se découpant en silhouette sur le ciel.

Puis, nous sortons de ce défilé et les montagnes du Moab reparaissent, encore plus élevées maintenant et plus obscurcies de nuages. Sur ces fonds si sombres se détachent en très clair les premiers plans de ce pays désolé ; des sommets blanchâtres, et, tout auprès de nous, des blocs absolument blancs, dessinés avec une extrême dureté de contours par le brûlant soleil.

Vers trois heures, des régions élevées où nous sommes encore, nous découvrons en avant de nous la contrée plus basse que les mers et, comme si nos yeux avaient conservé la notion des habituels niveaux, elle nous semble, en effet, n’être pas une plaine comme les autres, mais quelque chose de trop descendu, de trop enfoncé, un grand affaissement de la terre, le fond d’un vaste gouffre où la route va tomber.

Cette contrée basse a des aspects de désert, elle aussi, des traînées grises, miroitantes, comme des champs de lave ou des affleurements de sel ; en son milieu, une nappe invraisemblablement verte, qui est l’oasis de Jéricho, — et, vers le sud, une étendue immobile, d’un poli de miroir, d’une teinte triste d’ardoise, qui commence et qui se perd au loin sans qu’on puisse la voir finir : la mer Morte,