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Pologne, étiolés et blanchis par des siècles de brocantages et d’usure, sous les ciels du Nord ; très différents des « Ackenazim », qui sont leurs frères revenus d’Espagne ou du Maroc et chez lesquels on retrouve des teints bruns, d’admirables figures de prophètes.

En pénétrant dans ce cœur de la juiverie, mon impression est surtout de saisissement, de malaise et presque d’effroi. Nulle part je n’avais vu pareille exagération du type de nos vieux marchands d’habits, de guenilles et de peaux de lapin ; nulle part, des nez si pointus, si longs et si pâles. C’est chaque fois une petite commotion de surprise et de dégoût, quand un de ces vieux dos, voûtés sous le velours et la fourrure, se retourne à demi, et qu’une nouvelle paire d’yeux me regarde furtivement de côté, entre des papillotes pendantes et par-dessous des verres de lunette. Vraiment, cela laisse un indélébile stigmate, d’avoir crucifié Jésus ; peut-être faut-il venir ici pour bien s’en convaincre, mais c’est indiscutable, il y a un signe particulier inscrit sur ces fronts, il y a un sceau d’opprobre dont toute cette race est marquée…

Contre la muraille du temple, contre le dernier débris de leur splendeur passée, ce sont les lamentations de Jérémie qu’ils redisent tous, avec des voix