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le mont Moriah des quartiers habités du mont Sion, — terrains vagues, où nous cheminons en longeant l’enceinte de cet autre désert, le Haram-ech-Chérif, qui jadis était le Temple.

C’est vendredi soir, le moment traditionnel où, chaque semaine, les Juifs vont pleurer, en un lieu spécial concédé par les Turcs, sur les ruines de ce temple de Salomon, qui « ne sera jamais rebâti ». Et nous voulons passer, avant la nuit, par cette place des Lamentations. Après les terrains vides, nous atteignons maintenant d’étroites ruelles, jonchées d’immondices, et enfin une sorte d’enclos, rempli du remuement d’une foule étrange qui gémit ensemble à voix basse et cadencée. Déjà commence le vague crépuscule. Le fond de cette place, entourée de sombres murs, est fermé, écrasé par une formidable construction salomonienne, un fragment de l’enceinte du Temple, tout en blocs monstrueux et pareils. Et des hommes en longues robes de velours, agités d’une sorte de dandinement général comme les ours des cages, nous apparaissent là vus de dos, faisant face à ce débris gigantesque, heurtant du front ces pierres et murmurant une sorte de mélopée tremblotante.

L’un d’eux, qui doit être quelque chantre ou rabbin, semble mener confusément ce chœur lamentable.