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dans la vallée une oppression gigantesque. Siloë sans doute était moins en ruine, et Ophel existait encore ; l’inouïe désolation annoncée par les prophètes n’avait pas commencé de planer sur Jérusalem. Mais il y avait la même lumière et les mêmes lignes d’ombre. Le vent des soirs de printemps amenait le même frisson et charriait les mêmes senteurs. Les plantes sauvages — petites choses si frêles et pourtant éternelles, qui finissent toujours par reparaître obstinément aux mêmes lieux, par-dessus les décombres des palais et des villes — étaient, comme maintenant, des cyclamens, des fenouils, des graminées fines, des asphodèles. Et le Christ, en s’en allant pour la dernière fois, put promener ses yeux, distraits des choses de la terre, sur ces milliers de petites anémones rouges, dont l’herbe des tombes est ici partout semée, comme de gouttes de sang.

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Contournant l’angle sud des murailles, nous rentrons dans Jérusalem par l’antique porte des Moghrabis. Personne non plus, à l’intérieur des remparts ; on croirait pénétrer dans une ville morte. Devant nous, ces ravins de cactus et de pierres qui séparent