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car vraisemblablement c’était autrefois le seul point où le torrent pouvait être franchi… »

Alors, nous nous arrêtons de nouveau, pour contempler mieux nos silencieux alentours. Les lueurs rouges sur Siloë viennent de s’éteindre ; on en voit traîner encore de derniers reflets, plus haut, sur les cimes. L’appel grêle des musettes de bergers s’est perdu dans le lointain ; le vent s’est levé et il fait froid.

Par une soirée de cette même saison, sur la fin d’un jour de printemps comme celui-ci, Jésus, à cet endroit même, a dû passer ! À la faveur de l’identité des lieux, de la saison et de l’heure, une évocation soudaine se fait dans nos esprits de cette montée du Christ au Gethsémani… La muraille du Temple — devenue celle du Haram-ech-Chérif — s’étendait là-haut, en ce temps-là comme aujourd’hui, découpée peut-être sur des nuages pareils ; ses assises inférieures, du reste, composées de grandes pierres salomoniennes, étaient celles que nous voyons encore, et son angle sud, qui domine si superbement l’abîme, se dressait dans le ciel à la même place ; tout cela seulement était plus grandiose, car ces murs du Temple, enfouis à présent de vingt-cinq mètres dans de prodigieux décombres, avaient jadis cent vingt pieds de haut, au lieu de cinquante, et devaient jeter