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accompli ce tour de force : faire de Gethsémani quelque chose de mesquin et de vulgaire. Et l’on s’en va, l’imagination déçue, le cœur fermé…

Heureusement, peut-on se dire que le lieu de la suprême prière du Christ n’est pas déterminé à cent mètres près ; à côté du petit enclos des Franciscains, sur la triste montagne pierreuse, il y a d’autres vergers d’oliviers aux souches antiques, — et là, il sera possible de revenir, par les tranquilles nuits froides, songer seul et appeler des ombres…



Mais des impressions du grand passé nous reprennent bientôt, quand, au jour baissant, nous nous retrouvons dans la partie intacte, désolée, de la vallée de Josaphat. « Ici, regardez, nous dit le Père blanc ; des aspects contemporains du Christ subsistent encore. » Et il nous désigne, dans le morne déploiement de ce paysage biblique, les choses changées et les choses qui ont dû persister, toujours pareilles. Parmi des pierres tombales, sur ce sol empli d’ossements humains, nous nous sommes arrêtés, faisant face à Jérusalem, qui, vue de ce côté, domine la vallée des morts comme une ville fantôme.