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livide, couché sur des fleurs ; il traverse le lit du Cédron et, emporté les pieds en avant, plus hauts que la tête, il commence de s’élever sur la montagne sacrée où il va dormir. Auprès de nous, — qui le regardons, arrêtés contre les antiques portes de fer, — des Musulmans sont agenouillés, tournant dédaigneusement le dos au cortège et priant Madame Marie, avant de descendre dans son tombeau ; ils portent le turban vert des pèlerins qui reviennent de la Mecque ; leurs groupes et leurs prières, tout cela est du plus pur Islam, bizarrement mêlé à ce défile du vieux rite orthodoxe russe. Et l’ensemble caractérise bien cette Babel des religions, qui est Jérusalem… Nous sommes au plus profond du ravin, surplombés de tous côtés ; derrière le cortège qui s’éloigne, avec ses chants et ses emblèmes, la sombre vallée de Josaphat déroule la succession infinie de ses tombes ; du côté du levant sont les cimetières d’Israël, dominés par le Gethsémani et le mont des Oliviers ; et du côté de l’ouest s’étagent les cimetières musulmans, que couronne, presque montée dans le ciel, la haute muraille grise de Jérusalem…



Cependant, nous nous rendons au Gethsémani, et j’aurais voulu du silence. Pour la première fois de