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autels des cinq ou six cultes ennemis. On y trouve même, dans un coin près du tombeau, au milieu de tant de symboles chrétiens, un mirhab de mosquée pour les Mahométans, — qui ont voué, comme on sait, une vénération particulière à « Madame Marie, mère du prophète Jésus ». Ici, plus encore qu’au Saint-Sépulcre, le contraste est étrange entre les richesses d’ancienne orfèvrerie, partout amoncelées, et l’usure millénaire, le délabrement, l’air de caducité mourante : des voûtes à demi brisées, des pierres frustes, de grossières maçonneries, des fragments de roches souterraines ; tout cela, enfumé et noirâtre, suintant d’humidité à travers les toiles d’araignée et la poussière. Il fait nuit comme dans un caveau pour les morts. Il y a des couloirs ténébreux, murés depuis des siècles, des commencements d’escaliers qui allaient jadis on ne sait où et qui se perdent aujourd’hui dans la terre. Il y a d’autres tombeaux aussi, qui passent pour ceux de saint Joseph, de sainte Anne, des parents de la Vierge ; il y a même une citerne, enfermant une eau réputée miraculeuse. Çà et là, de vieux brocarts, cloués sur le rocher, pendent comme des loques, ou bien de vieilles broderies orientales, jetées sur les murs, s’émiettent et pourrissent. Et les cierges et l’encens fument ici sans cesse, dans l’étouffement funèbre de