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ville et que la vallée de Josaphat s’ouvre, en grand précipice devant nous, elle apparaît ce soir d’une animation extraordinaire. Lieu habituel du morne silence, elle est par exception remplie de bruit et de vie. Des Grecs, des Arabes, des Bédouins, des Juifs ; des femmes surtout, des groupes de longs voiles blancs parmi les tombes, attendent que passe le corps du vieil archimandrite, dont la sépulture sera de l’autre côté de cette sombre vallée, sur la montagne d’en face.

Descendons d’abord jusqu’au plus bas du ravin, traversons le lit desséché du Cédron, et là, avant de remonter vers le Gethsémani, nous nous arrêterons au tombeau de la Vierge : une antique église du ive siècle que, depuis plus de mille ans, toutes les religions se sont disputée et arrachée. Elle appartient aujourd’hui en commun aux Arméniens et aux Grecs ; mais les Syriens, les Mahométans, les Abyssins et les Cophtes y possèdent tous un endroit réservé pour leurs prières, et les Latins seuls en sont exclus.

Extérieurement, on n’en voit rien, qu’une triste façade de mausolée, dont les pierres noirâtres sont envahies par les herbes des ruines : au milieu, une antique porte de forteresse aux clous énormes, toute déjetée sous son armature de fer, — et un seuil de fer, usé sous les pas des pieuses foules.