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devenus comme la devise des chrétiens évangéliques, pour lesquels les lieux saints comptent à peine. Mais j’ai cessé d’être des leurs, et, comme je ne pourrai jamais marcher avec les multitudes qui dédaignent le Christ ou l’oublient, je suis retombé au nombre de ceux qui le cherchent désespérément parmi les morts. Et je poursuis partout ici son ombre, inexistante peut-être, mais demeurée quand même adorable et douce. Et je subis, sans le comprendre, le sortilège de son souvenir — seul des souvenirs humains qui ait gardé le pouvoir de faire encore couler les bienfaisantes larmes. Et je m’abîme et m’humilie, en un recueillement profond, devant ce funèbre vieux seuil, exhumé hier, sur lequel peut-être Jésus a fait ses derniers pas, le matin où il s’en allait, angoissé comme le moindre d’entre nous, au grand mystère de sa fin…