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habitudes journalières en furent à peine troublées…

Tandis que je marche dans le souterrain, aux côtés de la religieuse en robe blanche, la vision que j’ai se déroule, inégale, trop instantanée, en quelques furtives secondes, avec des intervalles vides, des lacunes, des trous noirs, comme dans les songes… Maintenant, c’est après la crucifixion, la foule déjà dispersée, l’apaisement commencé ; la croix, sous le ciel de midi, qui est un peu trop sombre, étend ses deux grands bras, dépasse en hauteur le faîte des murs de Jérusalem, est visible de l’intérieur de la cité, est regardée encore, des terrasses, par quelques femmes silencieuses, aux yeux d’angoisse… Oh ! si humaines, les larmes versées en ce jour-là autour de Jésus !… Sa mère, la sœur de sa mère, ses frères, ses amis, le pleurant, lui, parce qu’ils l’aimaient d’un amour humain, d’une anxieuse tendresse de cette terre. Et quoi de plus humblement terrestre aussi que ce passage de saint Jean, tout à coup retrouvé dans ma mémoire : « Jésus, ayant donc vu sa mère et près d’elle le disciple qu’il aimait, dit à sa mère : Femme, voici votre fils. Puis il dit au disciple : Voilà votre mère. Et, depuis cette heure-là, le disciple la prit chez lui. » (Saint Jean, XIX, 26, 27.)

Enfin, dernière image qui vient, inattendue et