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plus ; mais d’autres cris religieux, exaltés et stridents, partent ensemble de différents points de la ville, traversant l’air comme de longues fusées : les muézins, qui chantent le Moghreb !… Oh ! Jérusalem, sainte pour les chrétiens, sainte pour les musulmans, sainte pour les juifs, d’où s’exhale un bruit incessant de lamentations ou de prières !…

La Voie monte toujours. Parfois, des maisons sarrasines la traversent, — comme des ponts sinistres jetés au dessus, — des maisons qui y regardent de haut, par de méfiantes petites fenêtres bardées et grillées de fer. Les muézins ont fini d’appeler ; le crépuscule et le silence jettent leur enchantement sur cette Voie Douloureuse, que j’avais vue hier banale et décevante au soleil du plein jour ; le mystère des pénombres la transfigure ; son nom seul, que je redis en moi-même, est une sainte musique ; le Grand Souvenir semble chanter partout dans les pierres…

Lentement, je suis arrivé à la septième station du Chemin de la Croix, — à cette porte Judiciaire par laquelle le Christ serait sorti de Jérusalem pour monter au Golgotha. Alors, il me faut traverser un lieu bruyant et obscur, encombré d’Arabes et de chameaux, dans lequel, sans transition, je pénètre après le calme, après la solitude de la ville plus