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railles et des ruines désolées, toute la Voie Douloureuse, pour arriver là-bas aux quartiers nouveaux que j’habite, près de la porte de Jaffa.

Sur ma gauche, venait de se fermer l’enceinte du Haram-ech-Chérif, impénétrable absolument à partir de l’heure du Moghreb, et, devant moi, s’allongeait, pressée entre de tristes murs, une sorte de ruelle de la mort conduisant à la Voie Douloureuse.

Cette voie, telle qu’on la vénère de nos jours, reconnue depuis le xvie siècle seulement, est fictive dans ses détails, — mais réelle sans doute dans sa direction et ses grandes lignes ; ici surtout, en ce quartier de ruines qui entoure le palais de Pilate, les choses ont moins dû changer que plus loin, aux abords du Calvaire ; l’ancien pavé romain se retrouverait, à quelques pieds au-dessous du sol exhaussé d’aujourd’hui, et certains de ces vieux murs, plus enterrés qu’ils ne l’étaient jadis, mais demeurés debout aux mêmes places, ont peut-être vu passer le Christ chargé de sa croix.

La voie est déserte, ce soir, et déjà obscure dans son resserrement profond, avec un peu de mourante lumière d’or, tout en haut, sur le faîte de ses pierres rougeâtres ; le soleil doit être très bas, près de s’éteindre. On entend un bruit d’orgues et de chants religieux sortir encore de la chapelle des Pères de