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sang bourdonner à ses oreilles. Il fut sur le point de dire : « Oh ! non, alors, cherchez un autre, je retire ma parole… » Mais il n’osa pas. — D’abord, c’était tellement son devoir, de partir ! — Et puis, il avait dans l’âme son inconscient fatalisme, qui lui faisait tout de suite baisser la tête, au premier signe de la Destinée, — et enfin, très matelot en cela, il sentait toujours une sorte de mutisme spécial lui fermer les lèvres devant ses chefs, quand il ne les connaissait pas. Il fixa seulement sur l’officier ses yeux agrandis par une subite angoisse, répondit : « Bien, capitaine ! » et sortit, avec l’air d’un homme qui a reçu à la tête un coup de masse.

De permission, il n’en eut point, en effet. Aux marins qui vont partir on en donne presque toujours, de plus ou moins longues suivant les campagnes auxquelles ils sont destinés ; mais dans les cas d’urgence on les supprime.

Le soir même, envoyé à la caserne, son sac complété, sa comptabilité prête, il fut consigné là jusqu’au départ, avec les huit autres qui s’en allaient aussi. Au