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ORAISON FUNÈBRE

Je viens d’enterrer mon ami Jacques, un ami de mon enfance et même de mon âge mûr, si tant est-il que l’on soit mûr à trente-quatre ans, et cela dans la petite ville de la côte où nous avons grandi tous deux, nous frôlant presque dans la somnolence et l’engourdissant apaisement de la province, avec dans les yeux le rêve éternel de la mer geigneuse et de ses mouvants horizons.

Et jusqu’ici, à Paris même, cette fin d’enterrement dans ce cimetière de campagne, dans la solitude comme agrandie de silence d’un calme et blanc paysage d’hiver, me hante et me poursuit d’une vision de cauchemar obsédant.

Ici comme là-bas, en effet, la neige floconne en clair duvet sur un ciel à la mine de plomb, lourd et bas, et dans mon impression qui se prolonge, je ne sais rien de plus assoupissant et de plus endormeur que ce jardin des morts ouaté, fourré de